Carnets rouges n°7 | Juin 2016

Enseigner : quel travail ?

Sommaire

L’Édito | Christine Passerieux & Patrick Singéry
A l’école aussi, refuser de se soumettre, partir du réel du métier, c’est se trouver en position de force individuelle et collective pour redonner sens au travail en créant les conditions d’une appropriation réellement démocratique du savoir et des pouvoirs qu’il donne à chacun. Cela n’est possible que si les professionnels en sont non seulement les acteurs mais les concepteurs.

Le dossier

Penser, créer, se former : un travail invisible ? | Marine Roussillon
La définition du travail enseignant est devenue depuis quelques années un enjeu de luttes. En 2009, la lutte contre la réforme de la formation et du recrutement des enseignants portée par Nicolas Sarkozy et Xavier Darcos prenait pour slogan la phrase « Enseigner, c’est un métier ». Depuis, la formule est régulièrement reprise, répétée… comme pour signifier que la reconnaissance de la spécificité du travail enseignant fait toujours problème.

Enseignants : un statut pour un métier responsable | Gérard Aschieri
On peut se demander pourquoi en France les enseignants – à la différence d’autres pays – relèvent de la Fonction Publique et plus précisément de la Fonction Publique d’Etat. La réponse est sans aucun doute dans la conception du rôle de l’Ecole et du lien que les citoyens ont choisi d’établir entre celle-ci et la République. L’Ecole publique est au service non pas des familles, même si leur place doit y être reconnue, mais bien de l’intérêt général et l’on n’y enseigne pas ce que les parents croient ou souhaitent mais les connaissances établies par la science, dans un cadre qui est celui des « valeurs de la République ».

Former des enseignants pour que les élèves apprennent | Patrick Rayou
Longtemps les enseignants, ceux du second degré en particulier, ont perçu et organisé leur métier dans la continuité de leurs propres études. Généralement bons ou très bons élèves eux-mêmes, ils s’adressaient à des publics qui faisaient une confiance totale à l’école et qui, au collège et au lycée, possédaient, avant même d’entrer en classe, les codes des apprentissages auxquels ils allaient se livrer. Leur formation académique, agrémentée de quelques conseils de bon sens, suffisait à les armer pour la suite de leur carrière.

Dialectique de la liberté pédagogique et de l’intérêt général | Paul Devin
À peine a-t-elle reconnu l’existence de la liberté pédagogique de l’enseignant que la loi pose le principe de ses limites : « La liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection. »

Jusqu’à quel point peut-on valoriser le travail ? | Stéphane Haber
C’est l’évidence même : dans notre société, avoir un emploi n’est pas un luxe. Cela n’est pas seulement vrai parce que, malgré l’importance quantitative de la situation de rentier (par exemple de créancier) ou d’allocataire d’une prestation sociale, obtenir une rémunération (un salaire, des honoraires…) en échange d’une activité productive reconnue constitue, de très loin, la méthode prédominante pour se procurer, au moyen de la dépense monétaire, les biens et les services dont on a besoin. C’est aussi vrai parce qu’occuper l’emploi socialise les individus.

Ce travail que l’on dit intellectuel | Marc Moreigne
Comment caractériser, appréhender et le cas échéant évaluer le travail d’un chercheur, d’un psychanalyste, d’un écrivain ou même d’un enseignant ? Un travail qui ne produit ni marchandises, ni objets manufacturés destinés à la consommation, mais des « choses » aussi évanescentes et insaisissables pour ne pas dire suspectes que du savoir, de l’émotion, de la pensée ou encore des idées, des hypothèses, des œuvres, des sentiments. Un travail qui ne peut s’organiser ni se mesurer en termes de flux, de stocks ou de ratios.

Crise du métier et souffrance ordinaire des enseignants. Rapport de Brigitte Gonthier-Maurin au Sénat | Catherine Sceaux
Le rapport sur le métier d’enseignant de Brigitte Gonthier-Maurin, part du constat de la souffrance ordinaire des enseignants. Les conflits au travail s’exacerbent. Les enseignants ont l’impression de ne pas pouvoir accomplir du bon travail.

Crise du recrutement, crise du métier d’enseignant… Comment alors assurer la réussite de tous ? | Claire Pontais
Alors que 10,3% de la population active est au chômage, on peine à recruter des enseignant-es. Plusieurs milliers de recrutements n’ont pu se faire depuis 2012, la pénurie de professeurs augmente – alors même que F. Hollande a donné priorité à l’éducation. Comment expliquer cela ? Quelles conséquences pour aujourd’hui et pour l’avenir ?

« Reprendre la main » sur le métier : un enjeu majeur pour les professionnels de l’enseignement du secondaire et une préoccupation syndicale | Alice Cardoso & Catherine Remermier
Tandis que les discours institutionnels affichent et valorisent l’expérience des professionnels de terrain, les réformes tendent toutes à contrôler l’activité et à prescrire les bonnes façons de faire. Loin de chercher à donner aux enseignants les outils pour penser leur métier, réduire l’écart entre les objectifs assignés à l’école et la réalité de l’échec scolaire, les décideurs multiplient au contraire les dispositifs technocratiques qui, sous couvert de pédagogie, dénaturent les repères complexes que se sont donnés les enseignants au fil du temps pour réussir à enseigner.

La sorcière du projet d’école | Françoise Carraud
À l’occasion d’une recherche sur la manière de durer dans le métier enseignant à l’école primaire, nous avons demandé à une collègue, professeur des écoles expérimentée et directrice d’école maternelle depuis cinq ans, de faire un bilan de son année à partir d’un dessin lui permettant de se remémorer les points essentiels pour elle. Elle dessine une école au centre : « J’ai dessiné l’école avec des fenêtres ouvertes, pour représenter, voilà l’ouverture de l’école… ». Elle trace aussi des petits personnages : des enfants, et des adultes : « Là j’ai dessiné une petite troupe qui sont en fait les collègues qui arrivent » et, dans un coin, le visage d’une sorcière !

Évaluation des compétences : dans quel but et pour quel travail ? | Pascale SLD
Avant de discuter de l’évaluation des compétences, il est utile de noter que différentes formes d’évaluation sont pratiquées dans les entreprises. Evaluation des objectifs, évaluation professionnelle, évaluation des compétences, toutes ces évaluations contribuent à mesurer la performance des « ressources humaines », les femmes et les hommes étant considérés comme un paramètre du système économique fondé sur la recherche de rentabilité maximum et à court terme.

L’évaluation de l’école : retrouver le sens de la mesure | Thierry Novarese
Le système éducatif est évidemment un lieu d’évaluation : des progrès des élèves, des pratiques des enseignants (par leurs inspecteurs et leurs chefs d’établissements), des établissements d’enseignement eux-mêmes. Mais quel est le sens de cette mesure ? S’agit-il d’un travail de compréhension permettant le renforcement de l’investissement de chacun ? Ou d’une dérive normative obsessionnelle, perdant de vue l’essentiel (le bien de l’élève) au profit d’une folie sans boussole ?

Égalité et justice : pour une bienveillance sans renoncement | Evelyne Bechtold-Rognon
La question de la bienveillance au sein de l’Education nationale est porteuse d’un véritable paradoxe : les enseignants sont sommés d’être bienveillants envers leurs élèves, au moment même où l’institution fait preuve à leur égard d’une incontestable malveillance. Qui plus est, ces élèves à l’égard desquels il s’agit d’être bienveillant sont eux-aussi maltraités. Que cache cette « idéologie de la bienveillance » ? Quel sens recouvre cette injonction, alors même que l’immense majorité des enseignants a choisi cette voie par amour des enfants ?

Démocratisation et Formation des enseignants en Amérique Latine – Accès à l’éducation et persistances d’inégalités scolaires : 4 pays | Gisèle Jean
La question de la démocratisation, définie comme l’accès à la culture scolaire des catégories sociales les plus éloignées de celle-ci et la lutte contre l’échec scolaire, même si le terme n’apparaît pas en tant que tel, se retrouve aujourd’hui dans les préoccupations de nombre de pays d’Amérique Latine.

La formation des enseignants au Brésil : pour quel avenir ? | Antônio de Pádua NunesTomasi & Áurea Regina GuimarãesTomasi
Réfléchir sur la formation des enseignants nous emmène tout de suite à penser quel type de citoyen nous voulons former et également quel projet de societé nous avons. Alors, si nous défendons une societé plus juste avec moins d’inégalités au Brésil, il faut que l’éducation et surtout l’école publique soit plus démocratique, que l’accès soit assuré à tous mais aussi que la qualité de l’enseignement soit au niveau de l’éducation des élites.

L’entretien

Entretien avec Nicolas Frize | Le travail que je fais, c’est un travail amoureux
Nicolas Frize est compositeur de musique contemporaine.

Propositions de lecture

Le sens du social | Franck Fischbach
Note de lecture proposée par Patrick Singéry

Demain le syndicalisme | Collectif
Note de lecture proposée par Erwan Lehoux

Lectures jeunesse

Le fils de l’ombre et de l’oiseau | Alex Cousseau
Littérature jeunesse proposée par Françoise Chardin

Comment vivre ensemble quand on ne vit pas pareil ? | Collectif
Littérature jeunesse proposée par Françoise Chardin