Comment la culture vient aux enfants | Florence Eloy (dir.)
Comment la culture vient aux enfants : repenser les médiations,
Collectif Médiations, Florence Eloy (dir),
Depsdoc, Questions de culture, 2021
Note de lecture proposée par Christine Passerieux
Cet ouvrage est le produit de la coopération de huit chercheurs (Stéphane Bonnéry, Samuel Coavoux, Rémi Deslyper, Florence Eloy, Frédérique Giraud, Tomas Legon, Muriel Mille & Véronique Soulé) qui ont, et la chose est rare, collectivement écrit chaque chapitre. Il fait suite à une enquête menée pendant plusieurs années et dirigée par Florence Eloy, pour comprendre les effets des médiations « autour ou au sein du public visé ». Les auteurs ont confronté leurs résultats sur différents terrains de la culture (musique, théâtre, littérature, cinéma…), afin d’identifier ce qui se joue, (similitudes, différences, tensions) dans les processus de médiation peu explorés lorsqu’ils ciblent les enfants. Ils montrent que ces processus dépassent les clivages habituels entre médiation institutionnelle, secteur marchand, ou encore médiation par les familles et les groupes de pairs. De nombreux facteurs interviennent liés en particulier aux enjeux des objectifs de la culture destinée aux enfants, mais aussi au clivage entre culture légitime et culture populaire. Tous les acteurs de la médiation s’accordent sur l’utilité sociale de l’art et de la culture en direction des enfants. C’est sur « la manière d’opérer ce travail sur la jeunesse (« par exemple davantage axé, sur des visées morales dans certains cas, plus attentif aux questions d’éducation esthétique dans d’autres »).
Quand il est question de l’accès à la culture des enfants, deux discours doxiques dominent. Pour l’un les enfants sont victimes de propositions envahissantes et aliénantes, car ils n’auraient pas les ressources cognitives requises pour les appréhender (le handicap-socioculturel). A contrario pour d’autres, l’enfant serait « naturellement » sensible aux objets culturels qui lui sont proposés. Ces deux conceptions ont des incidences immédiates sur la manière dont sont pensées les modalités de médiation : l’une se fixe des objectifs de socialisation, en termes d’adoption de comportements normés très souvent associés « au mode scolaire de socialisation » ; l’autre vise à favoriser un « épanouissement » essentialisé. Ce qui conduit les auteurs à discuter ce que recouvrent, d’une part, l’éducation à l’art et d’autre part, l’éducation par l’art, même si les frontières ne sont pas totalement étanches. Ils constatent que l’éducation par l’art, par la fréquentation des œuvres, est « d’autant plus présente que l’on s’adresse à des enfants de milieux populaires dont il s’agirait de faire évoluer les dispositions, dans une logique de remédiation ». Mais l’essentiel ne serait-il pas plutôt de médier que de remédier, d’autant plus que ce sont ces enfants qui sont le plus nombreux. Ils observent que lorsque le projet est plus proche de l’éducation à l’art, « la question de la catégorie sociale des enfants ciblés est un impensé chez la plupart des acteurs du marché de la culture » et que l’« on observe donc des formes implicites d’adressage social ».
L’analyse des résultats de l’enquête à plusieurs voix interroge les ambiguïtés, les tensions, les impensés de la médiation. Ainsi dans le trajet entre le producteur de l’œuvre et le récepteur, des cheminements divers apparaissent, selon la place des acteurs dans la chaîne de médiation, selon également leurs propres conceptions des objectifs tributaires de leur trajet personnel (et d’appartenance sociale). C’est ainsi que peuvent se rejouer des « affinités électives », « affinités électives qui contribuent à la construction des inégalités face à la culture, puisqu’elles aboutissent in fine à des consommations culturelles assez disparates selon l’appartenance sociale ».
L’ouvrage invite à poursuivre la réflexion, en faisant dialoguer « différents champs d’étude de la sociologie » (sociologie de l’école, de la famille, de la culture, des loisirs…) et « les articulations » entre les différentes « instances de socialisation » des enfants afin de réduire, comme le développe le dernier chapitre, « les écarts entre les conceptions de la médiation et les appropriations effectives ».
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