Numéro 5,  Propositions de lecture

School Business

School business
School Business.
Comment l’argent dynamite
le système éducatif
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Arnaud Parienty, La Découverte, Paris, 2015, 243 p.

Lecture proposée par Erwan Lehoux.

Professeur de SES, Arnaud Parienty livre une enquête assez approfondie consacrée au rôle de l’argent dans l’éducation. C’est d’abord au contact de ses élèves qu’il prend conscience de cette réalité ; les éléments issus de sa propre expérience constituent son premier matériau, qu’il complète de données statistiques, de faits rapportés par la presse ou encore d’observations de terrain. Cet aller-retour entre l’expérience personnelle et ces sources complémentaires contribue à rythmer l’ouvrage et à en fluidifier la lecture.

L’auteur rappelle tout d’abord une évidence, en remarquant que « la géographie des résultats des établissements reproduit celle des revenus ». Il montre que les écoles réputées attirent les familles aisées, ce qui participe à l’augmentation des prix dans les bons quartiers et favorise toujours plus l’entre-soi… et le bon niveau de ces écoles. De fait, il s’agit d’un phénomène auto-entretenu qui semble expliquer en grande partie les inégalités entre les établissements, auxquelles les chercheurs ont consacré tant de travaux. Au-delà de ces inégalités géographiques, le recours aux écoles privées est très justement souligné.

Il s’intéresse ensuite au soutien scolaire marchand qui semble avoir fleuri ces dernières années. De même, les offres payantes liées à l’apprentissage des langues étrangères se sont multipliées ces dernières années, des cours particuliers aux établissements bilingues en passant par les stages et séjours linguistiques, du fait de leur rôle de plus en plus important dans la compétition scolaire et en vue de l’accès à l’emploi.

Plusieurs chapitres sont par ailleurs consacrés à l’enseignement supérieur. Les établissements privés se développement ; apparaît plus particulièrement un secteur lucratif qui n’existait pas auparavant. Ces nouveaux venus profitent de l’augmentation des frais d’inscription tout autant qu’ils renforcent la tendance. À l’autre bout de la chaîne, le recrutement des professeurs obéit lui aussi aux logiques du marché, les stars, très demandées, ayant la possibilité de négocier leur salaire à la hausse grâce à la concurrence, pendant que la précarité guette les autres.

L’auteur aborde également le marché global du savoir, en détaillant notamment les logiques d’internationalisation de certains établissements, qui n’hésitent plus à créer des filiales à l’étranger, par exemple, ainsi que les logiques financières à l’œuvre dans l’enseignement supérieur.

En définitive, les familles fortunées semblent bel et bien disposer d’un avantage notable sur les autres. De fait, ce travail interroge la sociologie de l’éducation telle qu’elle est pratiquée, notamment, à la suite de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron. Celle-ci s’est avant tout attachée à révéler les inégalités d’ordre culturel, n’accordant à l’argent qu’une place résiduelle ; or il s’avère que l’argent joue un rôle croissant dans l’éducation, au point que ce dernier semble avoir une influence insoupçonnée sur la scolarité des enfants et sur les inégalités en matière de réussite et de parcours.