Numéro 17,  Propositions de lecture

Pour lire Wallon sur l’orientation

Régis Ouvrier-Bonnaz[1]Régis Ouvier-Bonnaz est chercheur dans le Groupe de Recherche et d’Etude sur l’Histoire du Travail et de l’Orientation (GRESHTO) – Centre de Recherche sur le Travail et le Développement, CNAM. Voir article Lire Wallon pour comprendre aujourd’hui les enjeux de l’orientation scolaire, Carnets Rouges n°13, mai 2018
Les propédeutiques. Les éditions sociales, 2019.

Note de lecture proposée par Christine Passerieux

Le titre de l’ouvrage de Régis Ouvrier-Bonnaz est à la fois une invitation tout à fait bienvenue à lire (relire) Henri Wallon et à découvrir une dimension de son œuvre sans doute la plus méconnue. L’ouvrage débute par une analyse dense de la construction de la pensée d’Henri Wallon qui permet de comprendre pourquoi l’orientation occupe une place importante dans son cheminement et ouvre à une lecture outillée de sept textes, dont plusieurs inédits. Des repères chronologiques et biographiques permettent d’avoir une vision synthétique d’une œuvre incontournable et pourtant fort peu diffusée, absente par exemple de la formations (ou ce qu’il en reste !) des enseignants.

Dès les premières pages de l’introduction aux textes choisis, Régis Ouvrier-Bonnaz précise que pour Wallon « la théorie n’est pas que théorie, résultante abstraite des conditions sociales, elle est aussi un cadre matériel qui peut fournir à l’action une perspective et un but ». Et sa lecture des textes est très attentive à cette conception de la théorie en inscrivant Wallon dans son temps. Qu’il réfère aux traumatismes de la guerre (conduisant Wallon à conceptualiser les « relations réciproques » entre le biologique et le social : « les émotions sont liées au groupe et plus précisément aux interactions entre le groupe et l’individu » ; à la très forte critique du taylorisme, (déchéance, mutilation, amputation, chair mécanisée lorsque l’homme est privé de ses capacités d’initiative, de réflexion, et que les solidarités sont empêchées) ; à « l’art comme technique sociale du sentiment »… ; à la dénonciation d’une approche naturalisante du développement (« la notion de milieu naturel est à peu près dénuée de sens »). L’ouvrage de Régis Ouvrier-Bonnaz, dans la lecture qu’il propose de l’œuvre de Wallon, donne des outils pour penser ici et maintenant l’orientation, dans un projet en rupture radicale avec la loi du marché : les textes choisis montrent combien pour Wallon culture et profession, individu et social, développement de la société et développement individuel sont indissociables. « Pour Henri Wallon, le développement des possibilités d’action des individus passe par la maîtrise de soi et celle des milieux de vie, les deux étant intimement liés dans un processus dialectique ».

Dans une longue postface, Bernard Prot[2]Bernard Prot, Directeur du département Travail, orientation, formation, Equipe de Psychologie du travail et clinique de l’activité, Centre de recherche sur le travail et le développement, CNAM–è relie les textes de Wallon à des textes plus récents, avec lesquels il dialogue pour interroger l’orientation contemporaine : alors que c’est la délibération individuelle qui prime comment penser les relations entre formation et monde du travail, si comme l’a défendu Wallon travailler c’est « renouveler un milieu de relations avec d’autres, après d’autres, dans un mouvement de spécification réciproque entre les institutions et les individus ».

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