Carnets rouges n°9 | Janvier 2017

Quel service public pour l’éducation ?

Sommaire

L’Édito | Paul Devin
Penser le service public du XXIème siècle, c’est accepter d’en penser la complexité plutôt que de nourrir les mythes d’un miracle libéral qui tente de nous faire croire que les lois du marché seraient de nature à mieux répondre aux enjeux de démocratisation de l’école. Ce miracle n’est nulle part advenu dans les pays qui ont privatisé leurs écoles.

Le dossier

Service public, fonction publique : histoire, principes et avenir | Anicet le Pors
La question de la place des services publics dans la société est de pleine actualité. Pour comprendre les enjeux actuels il convient de s’interroger sur le sens de l’évolution historique des concepts d’intérêt général, de service public et de fonction publique. Dans cette évolution se sont affirmés un certain nombre de principes qui sont autant de dimensions du pacte républicain. Cette réflexion est nécessaire pour ouvrir des perspectives dans la crise de civilisation actuelle.

Quel service public pour l’éducation ? | Marine Roussillon
En inventant l’école obligatoire, la troisième République a aussi inventé le service public national d’éducation : si l’État exige de tous les enfants qu’ils reçoivent une éducation il doit, dans le même temps, leur en garantir les moyens. Cette invention apparaît comme un compromis entre des exigences diverses : la nécessité pour le patronat capitaliste d’avoir recours à une main d’œuvre mieux formée, dans le contexte de la Révolution industrielle ; la nécessité pour la jeune République de former des citoyens et de les doter d’une culture commune ; l’aspiration populaire à une plus grande maîtrise des savoirs ; mais aussi la nécessité d’un contrôle social des populations.

De l’argent pour lever les obstacles au développement des services publics en Europe | Denis Durand
Un développement tout à fait nouveau des services publics est crucial pour répondre aux aspirations des peuples européens, sortir des politiques d’austérité, contrecarrer les tendances déflationnistes liées à l’utilisation de la révolution informationnelle au service de la rentabilité financière, et ouvrir une issue à la crise de civilisation dont l’impasse actuelle de la construction européenne est une manifestation.

La nouvelle gouvernance : une politique néo libérale, loin du respect et de la valorisation de l’action des enseignants et personnels | Catherine Sceaux
Scénario désormais classique. L’Etat et l’Education nationale nous assènent des affirmations comme des vérités. Le modèle républicain du système éducatif n’est plus le bon. Le nouveau modèle de responsabilisation des acteurs les rendant autonomes, enfile l’habit de modernité et d’adaptation aux réalités locales car il viendra à bout de la bureaucratie, de l’inégalité scolaire, de l’autoritarisme de la hiérarchie et de la souffrance des enseignants au travail.

Quand le politique instrumentalise la pédagogie | Alain Goudard
Il n’est pas juste de présenter de façon manichéenne ce qui se passe au cœur même du système éducatif : il y aurait les anciens et les modernes, les pédagogues et les républicains, … Ces théorisations clivantes n’aident en rien à identifier et comprendre les processus au cœur des pratiques. Elles relèvent plus du champ des représentations et du plan idéologique que d’un outillage théorique sérieux.

Droit aux loisirs : une ambition de service public au service de l’émancipation | Christian Foiret & Erick Pontais
Les temps de loisirs sont également des temps d’émancipation, particulièrement les temps de loisirs collectifs organisés. Si l’accès à des loisirs s’est considérablement diversifié, il reste que la responsabilité des moments collectifs à charge de collectivités ou d’associations ne peuvent relever du simple divertissement et ne peuvent être seulement un moyen de garde des jeunes. Des valeurs traversent ces temps de loisirs.

Réorientation d’urgence ! ou comment envisager une réforme progressiste de l’orientation scolaire ? | Erwan Lehoux
Si cette idée selon laquelle l’orientation permettrait aux individus de s’insérer professionnellement en favorisant l’adéquation de l’offre et de la demande de qualification demeure si partagée malgré son évidente absurdité, c’est qu’elle participe du modelage d’un individu nouveau, responsable, rationnel et calculateur, qui n’est pas sans rappeler l’homo-œconomicus des économistes. Ce dernier constitue précisément le modèle de l’acteur tel qu’il agit sur les marchés. C’est l’individu néolibéral ou néosujet tel que théorisé par Christian Laval et Pierre Dardot.

Faire l’économie des sciences sociales ? Les luttes autour de l’enseignement des SES au lycée et leurs enjeux | Igor Martinache
Bien qu’il ne touche qu’une frange limitée des élèves pendant une durée elle-même restreinte de leur scolarité, l’enseignement de SES est régulièrement pointé du doigt par certains commentateurs médiatiques comme étant le responsable de la supposée « inculture économique des Français-e-s », voire de leur hostilité tout aussi prétendue à l’économie de marché ou au « monde de l’entreprise ». D’où de récurrentes entreprises de reprise en main de cet enseignement dès son introduction, émanant non seulement des sphères patronales et médiatiques, mais aussi de l’appareil étatique lui-même. Ce qui rappelle en passant que les ennemis du service public peuvent aussi provenir de ses rangs.

Un financement par répartition pour un service public de l’enseignement supérieur | Hugo Harari-Kermadec (Collectif Acide)
En France, plutôt que la hausse des frais et la sélection que la campagne présidentielle nous promet, ce dont l’enseignement supérieur aurait besoin, c’est d’une augmentation des financements à la hauteur de l’augmentation du nombre d’étudiant-es, pour donner aux établissements les moyens d’enseigner, et d’une allocation d’autonomie pour permettre à tou-tes d’étudier, quelle que soit l’origine sociale ou nationale.

A diplôme égal, salaire égal : la bataille de la réussite professionnelle commence à l’université ! | Antoine Guerreiro
« Aujourd’hui on donne vraiment le Baccalauréat à n’importe qui, les diplômes ne valent plus rien ! ». Dans la série des propos de café du commerce, la critique de la massification universitaire tient une bonne place. Alors qu’en 2013, 44% des 25-34 ans étaient diplômés de l’enseignement supérieur, la théorie « trop de diplôme tue le diplôme », sorte de nouveau « malthusianisme universitaire », vient accompagner l’essor continu des qualifications depuis les années 1960. Selon les tenants (tous très diplômés) de cette théorie, il faudrait réserver l’apprentissage des connaissances les plus pointues à une élite, sans quoi les titres universitaires en seraient dégradés et dévalués.

L’entretien

Entretien avec Eric Martin | « La gratuité » scolaire. Un combat plus que jamais d’actualité
Éric Martin est professeur de philosophie au collège Édouard-Montpeti de Longueuil, Québec, et chercheur à l’IRIS.

Propositions de lecture

Disciplines et interdisciplinarité | Regards croisés n°20
Note de lecture proposée par Christine Passerieux

Le maître insurgé | Célestin Freinet
Note de lecture proposée par Christine Passerieux

Le garçon qui nageait avec les piranhas | David Almond
Littérature jeunesse proposée Françoise Chardin

Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte | Annet Huizing
Littérature jeunesse proposée Françoise Chardin