En hommage à Régis Ouvrier-Bonnaz
Nous avons appris avec une grande tristesse le décès de Régis Ouvrier-Bonnaz, survenu cet été. Nous voulons ici témoigner de ce que Régis a apporté dans notre comité de rédaction qu’il a rejoint en 2020, en essayant d’être au plus près de ce qu’a pu signifier et continuera à signifier notre travail commun porté par des valeurs communes. Comme Carnets Rouges, Régis Ouvrier-Bonnaz mettait ses réflexions, ses travaux et ses connaissances au service de la lutte contre les inégalités et pour une école juste et exigeante.
Exigence politique, rigueur scientifique, profonde humanité, indissociables : c’est ainsi que se manifestait son attachement au collectif. C’était un homme généreux qui savait nourrir le groupe et s’en nourrir, fort de ses convictions et de la spécificité de son trajet, mais toujours attentif aux autres, curieux de leurs avis, de leurs analyses. C’était un homme de partage, qu’il s’agisse de sa réflexion, de celle du groupe, jusqu’à ces viennoiseries qu’il n’omettait jamais d’apporter pour débuter nos réunions. Régis était tout cela à la fois. Un vrai compagnon de travail. Son rapport au monde, en tant qu’homme et en tant qu’intellectuel, demeure particulièrement précieux dans un contexte aussi délétère que celui que nous vivons.
Son parcours singulier a ouvert de nouvelles portes dans nos réflexions communes, en particulier dans sa connaissance de l’œuvre d’Henri Wallon, dont il était devenu un spécialiste. (voir l’article qu’il a publié dans un précédent numéro de carnets rouges et repris dans ce numéro). Professionnel de l’éducation, il a été conseiller d’orientation, puis directeur de CIO, enseignant chercheur à l’INETOP (institut du Cnam), où il a théorisé une didactique des connaissances du travail et des métiers. A contre-courant des pratiques dominantes de l’orientation, il en a initié une vision nouvelle en créant et animant le Groupe de recherche et d’étude sur l’histoire du travail et de l’orientation (Greshto), poursuivant dans ce collectif sa réflexion sur les relations, pour lui centrales, entre orientation, histoire et travail. « Dans le domaine de l’orientation, permettre aux élèves de partager une culture commune, c’est ainsi faciliter l’accès à la compréhension de l’activité humaine, pour qu’ils comprennent le monde dans lequel ils vivent pour s’y situer, y agir et y faire des choix » (carnets rouges mai 2018).
Théoricien, Régis Ouvrier-Bonnaz s’est aussi intéressé à la didactique et a produit des dispositifs d’orientation destinés à promouvoir une réflexion collective des professionnels de l’éducation. La co-construction et la rencontre de différents champs sont toujours au centre de sa démarche. « Réfléchir théoriquement et historiquement à la liaison entre éducation et orientation est aussi une façon de relancer le genre de la psychologie à l’école et l’occasion donnée aux personnels d’orientation de (re)prendre pied dans le débat sur les raisons de leur place dans l’école. ».
En véritable historien de l’orientation, il en a éclairé les enjeux contemporains, interrogeant ses relations avec la psychologie et le travail. Il continuera à le faire grâce à ses nombreuses publications (articles, ouvrages, interventions…), car il nous laisse une œuvre essentielle et qui nous concerne tous.
Christine Passerieux
Pour le comité de rédaction de carnets rouges
Lire Régis Ouvrier-Bonnaz
Dans carnets rouges
Options et orientation (n° 20)
Orientation et technologie au collège, la fin d’une histoire partagée ? (n° 30)
Dans La Pensée
Wallon critique de Taylor et l’orientation (2017-3)
Henri Wallon : une œuvre toujours d’actualité (2023-4)
Le laboratoire de « Psychobiologie de l’Enfant » d’Henri Wallon (2023-4)
Ouvrage
Henri Wallon dans La Pensée. Textes choisis et présentés par Régis Ouvrier-Bonnaz, Jean-Yves Rochex & Stéphane Bonnéry, Éditions Manifeste !, Paris, 2022. Voir la note de lecture dans Carnets rouges.
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