Mon bel oranger | José Mauro de Vasconcelos
Mon bel oranger,
José Mauro de Vasconcelos, 1ère édition : 1968, réédité en 2014 en Roman jeunesse Poche.
Littérature jeunesse proposée par Claire Benveniste.
Mon bel oranger, ou la mort, la violence et la tristesse vues à travers l’intelligence rusée et poétique d’un enfant de cinq ans dans un Brésil marqué par les injustices sociales.
Zézé est l’avant-dernier fils d’un travailleur pauvre au chômage et d’une mère indienne qui travaille péniblement à l’usine pour nourrir sa famille. Dans sa famille, tout le monde le bat lourdement sauf sa grande sœur Gloria et son petit frère Luis (le Roi Luis pour Zézé). Car pour échapper aux difficultés et à la misère, Zézé devient parfois un petit diablotin : il fait des farces à tout son voisinage et, souvent, cela tourne mal. Pour s’évader, Zézé peut également compter sur la musique (il accompagne un chanteur de rue pour se faire un peu d’argent de poche) et sur son imagination débordante : le poulailler du jardin est un zoo qui abrite de féroces panthères, il peut découvrir l’Europe avec son petit frère de l’autre côté du ruisseau, les héros de ses films préférés sont toujours à ses côtés, et surtout, surtout, il partage ses joies et ses peines avec son pied d’oranges douces, Minguinho qui l’écoute, lui répond, et le laisse monter sur sa branche pour galoper dans les plaines, fièrement harnaché.
Du haut de ses cinq ans, Zézé est l’unique narrateur et marque l’écriture du roman de son humour, de sa poésie et de son innocence. Mais ce ton parfois léger ne nous fait pas oublier la gravité, la puissance et l’émotion des confidences en partie autobiographiques de l’auteur, José Mauro de Vasconcelos. La violence est physique évidemment, mais aussi symbolique et sociale : la pauvreté et le sang maternel indien de Zézé le range au bas de l’échelle sociale, et plus bas encore se trouve la Corujinha, une petite fille noire avec laquelle Zézé partage son goûter offert par sa maitresse compatissante. Il apprend beaucoup auprès de son oncle Edmundo, un homme lettré. Mais la rue reste son terrain d’apprentissage privilégié. Il y apprend à lire seul et peut donc entrer précocement à l’école dès cinq ans. C’est surtout la rencontre avec Manuel Valadares, un riche descendant de colons portugais surnommé « le Portugâ », qui bouleverse la vie de Zézé et lui permet de s’émanciper de ses souffrances et de ses dures conditions de vie. Le Portugâ se prend d’amitié pour Zézé et devient son père de substitution. A la fin du roman, le sous-titre “Histoire d’un petit garçon qui, un jour, découvrit la douleur” et la dédicace “À mes morts” prennent tout leur sens : les douleurs physiques et les souffrances sociales ne sont plus rien, c’est la tristesse qui manque d’emporter Zézé, au ciel comme il dit.
À quarante-huit ans, José Mauro de Vasconcelos souhaite « raconter les choses »1 comme lui les a si durement vécues. Un livre qui n’est donc pas sous le signe de la légèreté, mais lorsque les choses sont si bien écrites avec tant de poésie et de tendresse, on peut bien tout entendre et s’en émouvoir sans réserve à tous les âges.
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