Numéro 25,  Propositions de lecture

L’universalisme en procès | Alain Policar

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L’universalisme en procès,
Alain Policar,
Le bord de l’eau, 2021.

Note de lecture proposée par Christine Passerieux.

L’auteur dans cet ouvrage fait la proposition d’un universalisme renouvelé, afin que soient collectivement élaborées des solutions aux problèmes sociaux actuels. La démarche est à la fois politique et anthropologique. Il interroge un débat ancien entre universalisme et particularisme, en opposant à une polémique binaire la nécessité d’une argumentation pour penser une réelle transformation du monde.

Dans un premier chapitre « l’universalisme dévoyé », sa condamnation est sans appel d’un « universalisme de surplomb », imposé comme une vision de l’humanité qui n’a cessé de vouloir justifier le colonialisme par une rigidification des identités, une hiérarchisation des humains qui continuent à produire des injustices raciales mais aussi sociales. Cet universalisme qui exige l’assimilation ou l’intégration, essentialise le concept de nation dans un déni du réel fait de métissages anciens et contemporains. « L’universalisme se fourvoie, jusqu’à se vider de sa substance, lorsqu’il fait de l’identité nationale la boussole du combat républicain » écrit-il. C’est alors la soumission d’ « eux » qui ne sont pas « nous », qui est exigée dans une ethnicisation des rapports sociaux. Lorsque l’essentialisme refait surface c’est l’universalisme qui est dévoyé.

Alain Policar s’attache à comprendre les ressorts d’ « un universalisme contesté » (titre du second chapitre) au nom de la pluralité. Pour l’auteur « l’exercice de la raison est universellement partagé ». S’il considère indispensable de prendre en compte la question raciale et les injustices actuelles, il dénonce dans l’approche strictement raciale une autre forme d’essentialisation qui remet en cause la pluralité des appartenances, en réduisant les individus à leur communauté d’origine. L’universalisme n’a de réalité que s’il prend en compte ce qui nous fait humains tout en reconnaissant les singularités : il s’agit donc pour Alain Policar d’entendre la parole de celles et ceux qui subissent le racisme sans omettre que la division sociale se fonde aussi sur des bases strictement raciales. Il défend là un idéal universaliste porteur d’égalité quelles que soient les particularités.

C’est « un universalisme pluriel » que défend Alain Policar, universalisme pluriel qui s’inscrit dans la pensée de Césaire, « riche de tout le particulier, de tous les particuliers, approfondissement et coexistence de tous les particuliers ». Comment ne pas trouver des échos à des textes d’Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau dont le concept de créolisation définit « ce qui fait le tissu des humanités » à savoir « le mélange des différents qui, dans le mélange, sont gardés comme différents »[1]Édouard Glissant & Patrick Chamoiseau, La créolisation et la persistance de l’esprit colonial, Cahiers Sens public, 2009/2 (n° 10). URL : https://www.cairn.info/revue-cahiers-sens-public-2009-2-page-25.htm. A contrario de la conception de l’individu auto-entrepreneur de lui-même, Alain Policar plaide une conception de la démocratie qui « valorisera la figure de l’individu souverain sur soi, qui se prolonge dans l’existence d’une souveraineté de tous ». Cette conception conduit l’auteur à affirmer l’impératif d’un « cosmopolitisme » qui, seul, permettrait de penser un monde commun, où la citoyenneté ne pourrait être réservée à une minorité, un cosmopolitisme défini comme refus de l’homogénéité tout autant que de la fragmentation, dans « le souci de l’autre ».

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