Numéro 25,  Propositions de lecture

La laïcité à l’école. Pour un apaisement nécessaire | Paul Devin (dir.)

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La laïcité à l’école. Pour un apaisement nécessaire,
Paul Devin (dir.),
Les Éditions de l’Atelier, 2021.

Note de lecture proposée par Christine Passerieux.

S’il est de coutume d’associer école et laïcité il l’est beaucoup moins de penser leurs relations en termes apaisés. C’est l’ambition de cet ouvrage collectif, comme l’indique le sous-titre, ambition atteinte grâce aux nombreuses contributions qui par leur diversité sont elles-mêmes l’illustration d’une conception vivante de la laïcité : l’expression libre et argumentée de points de vue, qui s’interpellent, se répondent et engagent le lecteur à la réflexion. Avec d’autant plus d’efficacité que les contributeurs parlent de places différentes : chercheurs, professionnels de terrain font part de leurs travaux et de leurs expériences pour montrer combien les discours dominants, assénés à l’envi, « oublient » l’histoire de la laïcité, nient ou déguisent la réalité en l’instrumentalisant et en trahissant ses principes fondateurs.

L’ouvrage opère donc une rupture salvatrice, remet au cœur des débats les enjeux de la laïcité, en explorant son histoire, sa genèse, les cheminements et les choix politiques qui ont conduit à la loi de 1905. Pour Jaurès il s’agit d’initier « une grande réforme qui va rénover l’ordre intellectuel et social » ! Ces retours sur l’histoire, comme appels à la raison, ont l’immense intérêt de proposer quelques outils permettant de s’opposer efficacement à l’idéologie dominante actuelle en rappelant les enjeux, sociaux, politiques qui ont prévalu à l’instauration d’une école qui se voulait libérée de tout dogmatisme doctrinal, promesse d’une société de liberté politique. Ces enjeux demeurent d’actualité des décennies plus tard alors que « le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde » et que la justice sociale demeure une promesse.

C’est une conception démocratique de la société que porte cet ouvrage, où la construction de l’autonomie de pensée préserve de la soumission à toutes les doxas, à toutes les assignations. Et en ce sens elle est émancipatrice, quand elle permet de distinguer sciences, opinions et croyance.

Des expériences de terrain montrent que, par l’éducation, des élèves parviennent à se libérer des assignations sociales, genrées, religieuses, culturelles. En ouvrant un espace de liberté, la laïcité garantit à tous et à chacun le droit à une pensée singulière, autonome, critique. La laïcité ne peut donc être un dogme, elle instaure un rapport au monde, à soi, aux autres, dans une construction parfois conflictuelle. Et si la laïcité est le « primat de la raison et de l’éducation » comme l’écrit écrit Paul Devin alors ce que l’élève dit doit être pensé comme un objet de travail et non comme un manquement. Pas d’angélisme et d’acceptation sans réserve de tout propos, ni de chasse aux « réfractaires » dans cet ouvrage. C’est parce que l’éducation n’est pas neutre, qu’elle peut défendre des principes d’égalité, de fraternité, de liberté, non comme des discours mais dans une réalité pratique où les représentations socialement construites pourront être interrogées, bousculées, déplacées. C’est donc bien un travail qu’il faut engager, rendu difficile par des inégalités sociales grandissantes, qui conduisent à des replis communautaires et identitaires et remettent en cause l’égalité promise par la république.

Constamment menacée, malmenée, trahie, la laïcité subit des agressions qui mettent en danger la démocratie. Cet ouvrage est un outil constructif nécessaire pour défendre les valeurs de liberté, d’égalité, de justice sociale que portent les principes de laïcité. Enfin, et cela compte aussi, les différents points de vue entretiennent le plaisir de lire !