Inclusion
« Pour une rentrée pleinement inclusive », c’est le slogan lancé par le ministre de l’éducation nationale en juin 2019, comme objectif principal du quinquennat pour améliorer l’accès à la scolarisation des enfants en situation de handicap. Cette incantation « magique » utilise le principe d’inclusion comme garantie d’égalité et d’accès au droit à la scolarité de tous les élèves. Ce ministre applique une politique qui conduit à des objectifs opposés au principe même d’une école dite « inclusive » qui s’est pourtant construite en France, par opposition à notre système dit intégratif, où seuls les enfants capables de s’intégrer au milieu ordinaire pouvaient être scolarisés.
L’école « inclusive » aurait une vocation universaliste qui considère la situation de handicap comme le résultat de l’interaction entre l’individu et son environnement, obligeant la société à penser la difficulté dans un contexte social. Les gouvernants libéraux transforment cet objectif humaniste en politique austéritaire et régressive. L’école qui devrait accueillir toutes les diversités dans les classes ordinaires et s’adapter à celles-ci se suffirait donc à elle-même. L’inclusion se confond alors avec le « droit à la scolarité pour tous et toutes ». Ce n’est pourtant pas le droit à la scolarité pour tous et toutes qui devrait être un enjeu de société, mais bien le droit à l’accès aux savoirs, à l’émancipation et à la citoyenneté. La politique inclusive libérale fait du chiffre son seul objectif au détriment de la qualité des enseignements. Le ministère annonce un triplement du nombre d’enfants scolarisés en milieu ordinaire entre 2006 et 2018 (+188%) et se satisfait d’une augmentation de 25% des budgets alloués à l’accompagnement des enfants en situation de handicap dans le même temps.
Les effets réels sont pourtant à l’opposé d’une idée universaliste d’inclusion.
D’une part, parce que les élèves en situation de handicap ont aussi besoin de s’exprimer dans un groupe de pairs pour permettre notamment l’acceptation de leur handicap, pour mieux affronter le milieu ordinaire. D’autre part, c’est une hyper individualisation des parcours qui ne répond pas à l’adaptation des situations d’apprentissages du milieu ordinaire, mais qui a tendance à réorienter les objectifs d’apprentissages. Dans certaines situations le seul objectif de socialisation suffit à faire croire que l’enfant est en situation d’apprentissage au sein de la classe. Cela crée un décalage dans les apprentissages et n’empêche pas les effets de stigmatisation. Le concept « inclusif » est donc remis en cause dans son fondement même, parce qu’il n’implique pas une volonté politique d’envergure (moyens, formation, mixité des parcours, renforcement de l’action des enseignant·es spécialisé·es).
Les politiques libérales réduisent les garanties d’une école véritablement démocratique en affichant une « politique inclusive » où le cadre collectif, et ses dynamiques d’apprentissages sont remplacés par l’hyper individualisation et ses conséquences sur la médicalisation, l’externalisation et la marchandisation du traitement de la difficulté et du handicap. La suppression des enseignements spécialisés et des établissements spécialisés contribue à maintenir la confusion en faisant que la classe ordinaire se suffirait à elle-même avec une pédagogie « personnalisée » comme un gage d’égalité pour tous.
L’inclusion devrait être un outil pédagogique, inscrit dans une politique éducative émancipatrice, qui offre une diversité pédagogique dans un cadre commun pour accéder aux apprentissages et non un outil de libéralisation du système éducatif.
Serge Bontoux
Responsable syndical
Ressource
Garel J.-P., De l’intégration scolaire à l’éducation inclusive : d’une normalisation à l’autre, Journal des anthropologues n°122-123, 2010, pp. 143-165.
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