École : les pièges de la concurrence | Sylvain Broccolichi et al.
École : Les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l’école française,
Sylvain Broccolichi, Choukri Ben Ayed et Danièle Trancart (dir.),
La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2010.
Note de lecture proposée par Christine Passerieux.
Cet ouvrage a vu le jour à la suite d’une recherche d’une dizaine d’années menée à la demande du ministère de l’Éducation nationale et de la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale. Il a pour objet la description et l’analyse des processus de renforcement des disparités et de dégradation des conditions de scolarisation dans nombre d’espaces scolaires urbains. L’ouvrage développe à travers une approche historique, des éléments statistiques et des enquêtes de terrain comment et pourquoi la massification ne s’est pas accompagnée de la démocratisation attendue.
Quatre ans après sa parution, les analyses proposées restent d’une grande actualité pour comprendre le recours constant aux mêmes arguments pour justifier la sélection. Ces travaux commencent à être connus mais ce qui l’est sans doute moins et ce n’est pas un hasard c’est ce que développent les auteurs après une enquête de terrain dans 3 collèges qui ont pu renverser les tendances dominantes montrant que la spirale de l’échec scolaire des enfants des classes populaires n’est en rien fatale y compris dans un contexte économique et politique défavorable. Deux collèges en zone sensible, un troisième dans une zone de réussite ont produit de réelles réussites dans les années 80. Une multitude de facteurs imbriqués et liés aux spécificités locales participent à expliquer les meilleures réussites constatées, mais « dans la plupart des cas, c’est la stabilité des équipes qui fait la différence, la continuité du travail enseignant, la durée pour tisser des liens entre l’établissement et son contexte » (p. 248). C’est donc plus à l’engagement des personnes qu’à celui de l’institution que l’on peut imputer ces réussites mais le problème est qu’il n’est pas reproductible et demeure donc très fragile. Faute d’engagement de l’institution c’est la fuite des élèves, le turn over des professionnels sur fond de « ghettoïsation » et de hiérarchisation des établissements accrue. À défaut d’actions significatives pour rétablir la mixité sociale, tout repose sur le travail enseignant. Or, dans les situations les plus difficiles, la rupture est parfois profonde entre élèves et enseignants, écartelés entre leur formation, leurs tâches et leur public.
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