Lectures Jeunesse,  Numéro 1

Souvenirs de ma nouvelle vie | Marie Colot

Souvenirs de ma nouvelle vie
Souvenirs de ma nouvelle vie,
Marie Colot,
Alice jeunesse, Octobre 2013

Littérature jeunesse proposée par Françoise Chardin.

En ouverture du roman, une citation d’Einstein : La vie, c’est comme la bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre. Une maxime que la jeune narratrice, Charlie, semble avoir faite sienne. Poursuivie par le souvenir du «pire des pires jours» dont le lecteur ne découvre que peu à peu la réalité – celle d’un accident de voiture qui a tué sa sœur et rendu sa mère infirme-, Charlie voit sa vie se rétrécir, soumise à des règles aussi rigides que celles de la tragédie classique : unité d’un lieu sinistre, un rez-de-chaussée d’un gratte-ciel bruxellois dans lequel elle vient d’emménager, unité d’un temps de sortie limité par l’angoisse de ses parents à une vingtaine de minutes , unité de la seule action qui s’offre à elle : explorer systématiquement son immeuble, étage par étage, avec un double projet : prendre une photo depuis la fenêtre de chaque appartement visité et dérober un souvenir, morceau d’affiche, bout de moquette, pour son Carnet de bord, et pour cela entrer en contact avec chaque habitant, dans le temps imparti.

Rangeons nos mouchoirs : le premier défi, c’est celui d’un impertinent refus du malheur : Charlie rit et nous fait rire. Le second, c’est celui de transformer la contrainte en source d’invention et de récréation. Et juste au moment où l’on pensait que tout rentrait dans l’ordre romanesque traditionnel, l’amitié conquise par Charlie d’une vieille dame au passé prestigieux, c’est par ses mensonges que celle-ci fera découvrir à la fillette l’échappatoire de l’imaginaire, cadeau que l’héroïne saura lui offrir en retour à la fin du livre…

Un très beau petit roman, qui se prête à différents niveaux de lecture (le «à partir de 10 ans» prend tout son sens), invite aussi à la relecture par la finesse des indices peu à peu révélés, et fait bien «réflérire» le lecteur, jusque dans son titre, dont le paradoxe apparent livre une des clés de l’entreprise de Charlie, tôt confrontée à l’éphémère.