0,1 % ou les contes truqués du ministre…
Le 19 janvier 2020, dans une interview à France Inter, le Ministre Jean Michel Blanquer, évoquant l’opposition des professeurs aux E3C, les nouvelles épreuves de la réforme du Bac, déclarait qu’il s’agissait d’actions de minorités radicalisées. « On peut aimer son métier et ne pas perturber les choses ; 99,9 % des enseignants seront d’accord avec ce que je viens de dire car ce qui compte avant tout c’est l’intérêt de l’élève. » Il affirmait auparavant que cette réforme du Bac avait « recueilli l’adhésion après des années de concertation de 2017 à 2021 » (sic).
Pour revendiquer la non appartenance aux supposés 99,9 % de soutien à la réforme, une pétition intitulée « Je suis 0,1 % » a recueilli plus de 100.000 signatures de professeurs en quelques semaines, soit le tiers de la profession. Nous aurions donc plutôt affaire à une majorité radicalisée !
Et si nous calculons bien, selon les chiffres du ministère, si 0, 1 % = 100.000, il y aurait ainsi dans le pays 100 millions de professeurs. Quelle manne ! « Plût au ciel… que j’eusse 10.000 écus » disait Harpagon.
Le 5 décembre 2019, 70 % de la profession était en grève pour protester contre l’ensemble de ces réformes. Cette contestation vient aussi de l’intérieur ; un groupe de hauts fonctionnaires de l’éducation nationale, dans une tribune publiée le 14 mai sur le site spécialisé du Café pédagogique, dénonce la politique « conservatrice » et le « projet néolibéral sommaire» du ministre. « Une culture élitiste qui trie, hiérarchise et sélectionne les élèves, mettant en place la compétition de tous et l’élimination des plus faibles. » Qui parlait de l’intérêt de l’élève ? Qui perturbe les choses ?
Et encore. « Le numérique éducatif, écrivent les auteurs du texte, sert de cheval de Troie pour infiltrer les pratiques pédagogiques et offrir l’échec scolaire en marché aux éditeurs numériques et opérateurs privés. » Ils dénoncent encore « le management autoritaire et le verrouillage de toute expression qui ne serait pas dans la ligne. » Qui a dit laïcité ? Qui a dit concertation ?
Sous couvert de « bonheur professionnel, d’intérêt général, d’école de la confiance, de réussite, de bienveillance, d’excellence, de talents »…c’est un immense gaspillage de compétences et de travail pour les personnels et l’ensemble de la nation. « Il s’agit bien de renoncer à former les citoyens pour adapter le futur employé aux exigences de l’entreprise. » Et d’exclure les classes populaires de toute formation exigeante. Comme aurait dit le général De Gaulle, il s’agit de ne pas se laisser envahir.
Sachons voir l’intérêt particulier, derrière l’intérêt général proclamé.
« Quelle place restera-il à l’humain dans un monde où la technologie est en conquête permanente ? » s’interrogeait M. Blanquer dans une interview à la Dépêche le 5 août 2017. La technologie, une menace sur le monde ? Cela est un peu court, du sous-Heidegger au XXI° siècle.
Connaissez-vous le capitalisme, Monsieur le Ministre ? Non ? C’est lui qui défigure présentement la planète et le monde humain. Parlons chiffre : connaissez-vous le taux de profit ?
Tout ne se joue pas dans le cerveau.
Gilbert Boche
Professeur de Lettres, retraité, Orléans