La mixité sociale à l’école | Choukri Ben Ayed
La mixité sociale à l’école. Tensions, enjeux, perspectives,
Choukri Ben Ayed, Armand Colin, 2015.
Note de lecture proposée par Christine Passerieux.
La rhétorique de la mixité sociale à l’école est omniprésente. Pourtant elle ne se traduit pas dans les actes car la France est le pays où la mixité sociale est la plus faible des pays de l’OCDE. Pour répondre à cet apparent paradoxe Choukri Ben Ayed poursuit dans ce nouvel ouvrage son travail de recherche sur les inégalités. Il montre en analysant les différents discours sur cette « catégorie floue » que, malgré de « bonnes » intentions sans cesse réaffirmées, les écarts socialement ségrégatifs se creusent. Ainsi la politique d’assouplissement de la carte scolaire de 2007 a eu pour effet de généraliser les procédures de dérogation scolaire et de « légitimer une certaine forme de contrôle des migrations et des affectations des élèves dans les établissements les plus demandés ».
Dans un rappel historique il met en lumière que depuis sa création jusqu’à la dernière loi de refondation de juillet 2013, les choix politiques se fondent sur une conception inégalitaire de l’école, qui repose sur des principes méritocratiques qui perdurent (en particulier ceux de N.Sarkozy). Politique qui a conduit à l’accroissement des ségrégations scolaires et jusqu’à une remise en cause de la sectorisation, dont on mesure les effets : autonomie des établissements, mis en concurrence, place du privé, recul d’une politique nationale qui renvoie les responsabilités aux administratifs locaux. L’auteur développe comment la généralisation du système informatique Affelnet, permet aux élèves et aux parents les plus avertis de faire leur marché dans la recherche de l’établissement le mieux côté dans la grille concurrentielle de l’offre, rajoutant de la ségrégation là où elle est de plus en plus criante.
L’intérêt de l’ouvrage ne repose pas seulement sur une analyse fine des politiques menées car il apporte des outils conceptuels pour définir la notion de mixité sociale, des outils de mesure pour comprendre les écarts entre discours et réalité. Il fait également des propositions pour sortir d’une situation où se conjuguent hiérarchisation et méritocratie : redonner place à l’état tout en pensant les articulations entre national et local, limitation de la concurrence entre établissements, traitement de la question de l’école privée…
Convaincu qu’il n’y a pas de fatalité, y compris en matière de mixité sociale à l’école, l’auteur relate en fin d’ouvrage l’action du Conseil général du Val de Marne qui a fait de l’éducation une priorité sur la base du « tous capables » inscrit dans le projet éducatif départemental, montrant ainsi qu’il y a du possible.