Numéro 29,  Propositions de lecture

Idées reçues 
sur les « petits » diplômes | Collectif

Couverture : Idées reçues 
sur les « petits » diplômes, Séverine Depoilly, Gilles Moreau, Adrien Pégourdie & Fanny Renard (dir.), Le Cavalier Bleu, 2023
Idées reçues 
sur les « petits » diplômes,
Séverine Depoilly, Gilles Moreau, Adrien Pégourdie & Fanny Renard (dir.),
Le Cavalier Bleu, 2023

Ont également contribué à cet ouvrage : Amélie Beaumont, Joachim Benet Rivière, Charline Brandy, Sophie Denave, Nicolas Divert, Henri Eckert, Prisca Kergoat, Nadia Lamamra, Marie-Hélène Lechien, Emmanuel de Lescure, Maryse Lopez, Fabienne Maillard, Fanette Merlin, Sylvie Monchatre et Sophie Orange

Note de lecture proposée par Paul Devin.

C’est parce que « les petits diplômes posent de grandes questions » qu’une vingtaine de chercheuses et chercheurs ont décidé́ d’interroger nos idées reçues sur ceux des diplômes qui n’ont pas la notoriété́ d’un baccalauréat, ni le prestige d’un titre universitaire et qu’on accuse facilement de ne plus correspondre ni aux besoins de l’emploi, ni aux compétences des métiers.

L’ouvrage décompose la question en courts chapitres qui interrogent la nature et les enjeux de ces « petits diplômes ». Son ambition est de nous permettre de dépasser les préjugés, qui guident trop souvent nos jugements, parfois y compris pour celles et ceux qui se croient à l’abri de visions caricaturales sur l’enseignement professionnel et sur l’avenir des jeunes issus des classes populaires.

Les deux premières parties cherchent à cerner la réalité des « petits diplômes » et des élèves qui aspirent à les obtenir. Une seconde partie interroge, avec huit questions très pragmatiques les relations du diplôme et de l’emploi. Des chiffres, des faits, des analyses font état d’une réalité́ qui est loin de se résumer dans les habituels poncifs qui prétendent décrire la diplomation professionnelle et ses effets.

Celles et ceux qui voudraient trouver, dans ce livre, les lignes directrices d’un projet arrêté́ pour la formation professionnelle seront déçus… car c’est par le questionnement, par la mise en évidence des tensions et des contradictions, par la révélation de la complexité́ que les idées reçues sont bousculées et non par le seul énoncé conclusif d’analyses. D’aucuns auraient sans doute préféré́ que les sujets puissent donner lieu à de plus profonds développements mais le choix éditorial est autre : croiser des regards incisifs, brefs, qui privilégient la mise en cause des idées reçues plutôt que le développement de l’analyse ou de l’élaboration prospective. Par ce choix, ce livre sème tous les ingrédients d’un débat qui donnera sa part nécessaire à la complexité́.

Il le fait par l’étude de données statistiques qui permet d’appréhender notamment la réalité́ des relations entre diplôme et emploi, par l’analyse des politiques institutionnelles et de leurs effets, par les savoirs d’une sociologie qui a depuis longtemps montré la nature discriminante de l’orientation mais aussi par la prise en compte de la réalité́ singulière de parcours biographiques qui vient nuancer l’évidence et nous rappeler que, dans les destins scolaires, rien n’est jamais scellé par un déterminisme impératif. Le tout se joue en nuances, sans autres certitudes absolues que de vouloir défendre une formation professionnelle égalitaire et combattre toutes les discriminations qui s’y opposent.

Juste ce qu’il nous faut dans un temps où le discours néolibéral nous assène ses vérités sur la formation professionnelle sans hésiter à déformer la réalité́ pour construire une représentation idéalisée et mensongère de l’apprentissage. De telles rhétoriques absolues, qui ne supportent pas la moindre contrariété́ émanant de la recherche universitaire, produisent des débats binaires et des affrontements simplistes auquel ce livre nous aidera à échapper.

Tout d’abord parce que, par une succession de regards croisés, est sans cesse posée la question des enjeux complexes et parfois contradictoires de l’enseignement professionnel : enjeux qui veulent à la fois favoriser la poursuite d’études et résoudre immédiatement les problèmes de décrochage tout en répondant aux attentes adéquationnistes des entreprises. Les luttes pour défendre un enseignement professionnel capable d’un projet émancipateur doivent être capables de prendre en compte la réalité́ de ces enjeux contradictoires. Bien sûr, nous défendons un choix politique clair qui affirme un curriculum capable de servir un projet éducatif démocratique et non une mise sous la tutelle des volontés économiques du patronat. Mais un tel projet a besoin d’assumer la complexité́ du contexte.

Merci à cet ouvrage d’y contribuer et d’avoir choisi une forme qui décevra peut-être les aspirants à des formes plus traditionnelles de publications universitaires mais qui répondra parfaitement aux besoins des militants syndicaux ou politiques ou plus largement de tous ceux qui veulent réfléchir à la formation professionnelle en les aidant à échapper aux raccourcis simplificateurs auxquels les débats binaires nous incitent trop souvent.

Et cela sera particulièrement appréciable sur des questions qui résonnent dans l’actualité́ immédiate de la formation professionnelle. Ainsi quand Prisca Kergoat et Sophie Orange rappellent que le développement actuel de l’apprentissage se fait aux dépens des jeunes issus des classes populaires et qu’il ne suffit pas de décréter la possibilité d’une poursuite d’études pour la rendre accessible à toutes et tous.