Au début | Ramona Bădescu et Julia Spiers
Au début,
Ramona Bădescu et Julia Spiers,
Les grandes personnes, 2022, 80 pages.
À partir de 5 ans.
Note de lecture proposée par André Delobel
Ne pas offrir ce livre avec son mode d’emploi. D’ailleurs, personne n’offre jamais un livre avec un mode d’emploi. Peut-être le petit lecteur croira-t-il, en tournant les premières pages, qu’il y a une erreur de fabrication. Repoussant cette idée, il cherchera à percer le mystère. Ce ne sera pas immédiat et un seul feuilletage ne suffira pas. D’autant qu’il y a vraiment beaucoup de monde, des adultes attentionnées, des enfants bourrés d’énergie, quelques animaux aussi. Dans les premières six pages, nous sommes en juillet 2020 – c’est écrit dans une cartouche, en haut à gauche – et puis soudain – parole de cartouche – nous voici en septembre 2015, en octobre 2014, en décembre 2010 (de la neige, pas de guirlande), en mai 2002, en décembre 2000 (de la neige encore, toujours pas de guirlandes), en septembre 1997… Le compte à rebours nous conduit en 1952, pour seize pages car il faut bien cela pour installer un début, l’indispensable début. Et si, lecteur avisé, nous commencions à lire en commençant en 1952, en parcourant l’album « dans le bon sens » ? On comprend mieux, en effet. Mieux, mais pas tout. Il faudra d’autres lectures attentives, d’autres allers-retours, pour découvrir – simple exemple – comment, au fil d’un parcours de vie sans anicroche, la dynamique petite fille rousse de la première image du « vrai » début devient, soixante-huit ans plus tard, une sereine grand-mère à cheveux blancs. Ou, pourquoi pas, pour s’attacher aux évolutions du mobilier, des objets, des jouets. Si Ramona Bădescu se fait discrète, ne s’accordant que quelques rares lignes, Julia Spiers a, elle, généreusement nourri ses images. L’illustratrice donne à voir les plaisirs et les jeux, les rencontres amoureuses et les naissances, mais ni la maladie ni la disparition d’un être cher, choisissant (en connivence avec Ramona) de se faire stricte chroniqueuse des jours heureux. Suggestion ultime pour ceux qui n’apprécient que modérément les histoires de famille : on peut aussi lire l’album en ne s’intéressant qu’au néflier.