Le bois dont pinocchio était fait
Le bois dont pinocchio était fait,
Bruno Heitz,
Le Genouvrier, 2021, 48 pages.
Notes de lecture proposées par André Delobel.
De loin en loin, Bruno Heitz aime à s’emparer d’un texte à priori connu de tous (une fable célèbre, un conte traditionnel, un roman patrimonial) et, pour le plaisir des jeunes lecteurs, le malmène à sa manière, le modifiant, le prolongeant ou imaginant de malicieux pas de côté. Ce n’est d’ailleurs pas à Pinocchio lui-même que l’auteur-illustrateur s’intéresse ici en premier lieu, mais au morceau de bois qui reste après la fabrication du pantin. Gepetto n’ayant pas fermé sa porte, un voisin vole le morceau laissé de côté et c’est le début d’un trépidant récit en randonnée. La bûche, s’avérant tête de mule, se fait insaisissable. Elle n’accepte pas de devenir pied de lit, rayon pour une roue de charrette ou pour un lustre, bâton de marche pour un vagabond, et elle provoque folle terreur, accident grave et dramatique incendie. Mais, puisqu’il faut bien qu’une randonnée cesse, s’approchent deux gendarmes. Deux gendarmes ? Tout à fait et pas n’importe lesquels puisque ce sont ceux-là même qui, dans la vraie histoire, ont injustement arrêté Pinocchio. La bûche, peut-être par hasard ou peut-être pas, car le doute est permis, assomme les deux gendarmes, délivrant ainsi Pinocchio qui s’empresse de retourner chez son père. Il faudra lire l’album jusqu’au bout pour savoir ce qu’il advint du morceau de bois restant de la fabrication du pantin. Disons seulement : « Mais, c’est bien sûr, il suffisait d’y penser. » Les lecteurs familiers de Bruno Heitz savent qu’il aime varier ses façons d’illustrer. Pour ce livre-ci – comme pour plusieurs autres de la même collection – il a choisi la technique du papier découpé (puis photographié) et il a privilégié une palette noire, blanche et grise, sans exclure totalement la couleur. Pas d’inquiétude donc : l’habit de Pinocchio est bien rouge, celui de Gepetto bleu et la bûche couleur de bûche.