Lectures Jeunesse,  Numéro 25

Zette et Zotte à l’uzine

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Zette et Zotte à l’uzine,
Elsa Valentin et Fabienne Cinquin,
L’atelier du poisson soluble, 2018, 46 pages.

Notes de lecture proposées par André Delobel.

Non, pas du tout, ce n’est pas la réécriture du pitoyable Nounouche à l’usine qu’André Durst écrivit et dessina en 1953. Ici, c’est l’histoire de « deux sœurettes zouvrilleuses qui zouvrillaient dans une uzine, qui fabricolaient des zabits de louxe », qui « gagnaient des miettes et quelques légumes avant de gagner des épluchures », et qui, après manifles et assemblées généreules, l’usine devant être prochainement délocalisée, déclarent un beau matin, bravant le tarpon, que les machines étaient à elles. « On va continuer à fabricoler des zabits, mais pas des zabits de louxe, des zabits pour nous et des zabits qu’on pourra échanger contre de bons légumes. » Pour dire vrai, c’est Zette seule qui prend la parole, entourée tout de même de (presque) toutes les autres travailleuses. Zotte qui, de son côté, avait misé sur l’ascenseur-saucisse, regarde les évènements de loin, sans bien comprendre. Le tarpon, qui en a sa claque, renonce finalement à ses machines, Zotte félicite Zette : « Bravo, t’as gagné. En plus, tu vas être le chef, maintenant, puis tout ça c’est grâce à toi. » Fraternelle, Zette rectifie : « Mais t’as rien compris du tout, ma Zotte ! Y a pas de chef. On décide toutes ensemble et on partage tout. Sinon ça recommence. » Elsa Valentin, auteur du texte, s’en est donné à cœur joie, s’inspirant peut-être de Queneau, de Ponti voire de Rabelais. Elle nous avait déjà, dans Bou et les trois ours, régalé de ses inventions langagières. Les images de Fabienne Cinquin, très colorées, sont intemporelles, un peu d’années 30, un peu d’aujourd’hui, un peu de demain (le défilé de mode final) et la couleur rouge s’impose quand les ouvrières sont en grève. Et c’est ainsi qu’en littérature pour la jeunesse, dans un album énergisant, nait une coopérative ouvrière. Dans la vraie vie, les trente « filles de chez Lejaby » (à qui l’album est dédié) s’étaient battues jusqu’à obtenir de substantielles indemnités. Les Atelières, ex-salariées Lejaby, qui avaient, en 2013, à Lyon, relancé une unité de production de lingerie et de corsetterie, durent la fermer, au bout d’un an, faute de soutiens financiers. Album à déguster à partir de 10/12 ans et au-delà.