Numéro 12,  Propositions de lecture

Psychologie de l’enfant (La Pensée)

La Pensée n°391, Juillet-Septembre 2017, « Psychologie de l’enfant »

Note de lecture proposée par Christine Passerieux

Plusieurs chercheurs contemporains, proposent dans le dossier de ce numéro de La pensée des lectures contemporaines de grandes figures de la psychologie du XXème siècle, trop souvent laissées dans l’ombre.

Alors que se multiplient les prescriptions à l’innovation au nom de « la » science, que ressurgissent avec force et grâce à de nombreux relais médiatiques des conceptions innéistes du développement enfantin, où talents, goûts et autres intérêts pourraient se révéler aussi spontanément que naturellement, ce numéro de La pensée contribue à remettre en chantier, une réflexion dialectique sur le rôle des milieux dans le développement, sur le rapport entre pensée, affects et émotions. Loin de toute approche mécaniste ou « pragmatiste » (pour reprendre un élément clef de la novlangue ministérielle) et dans une pluralité d’approches scientifiques.

Emile Jalley, psychologue, épistémologue et philosophe montre l’actualité de la pensée wallonienne dans l’articulation entre le social et le biologique, ce qui fait écho aux travaux actuels de neurobiologistes comme Catherine Vidal ; mais aussi dans les liens que Wallon tisse entre psychologie et pédagogie. Régis Ouvrier-Bonnaz, du CNAM s’intéresse également à l’œuvre de Wallon pour en révéler des apports très peu connus, concernant la critique du taylorisme et ce qu’elle implique dans la conception qu’il développe de l’orientation scolaire et professionnelle. Pour Wallon en effet, c’est par l’activité, quel que soit le milieu que les hommes se construisent, en tant que sujets et être sociaux.

Jean-Yves Rochex, professeur à Paris 8 s’attache à développer la dimension dialectique de l’œuvre de Vygotski : c’est dans les relations entre les différents milieux de socialisation que pensée et langage se développent, dans une approche historico-culturelle du développement. Chantal Zaouche Gaudron, professeure de psychologie de l’enfant, s’intéresse au processus de subjectivation chez le jeune enfant tel que travaillé par Malrieu, où l’on retrouve encore l’importance de la notion de milieu. Un dernier article de Laurent Guttierez, professeur en sciences de l’éducation est consacré à Théodore Simon, co-auteur du test de QI avec Alfred Binet, et qui s’est intéressé aux différents états de l’aliénation.

Pour Wallon, Malrieu, et Vygotski le développement de l’enfant procède simultanément avec et contre autrui, c’est-à-dire de sa socialisation dans des milieux auxquels il s’identifie… La confrontation entre ces différents milieux entre lesquels l’enfant doit arbitrer, conduit avec sa retraduction dans le psychisme à ce que le petit être humain, né dans un monde social se construise en tant que personne[1]Stéphane Bonnéry, introduction au dossier. Alors que l’individualisation est largement promue sous différentes formes, que la question sociale est évacuée au profit d’une étroite approche biologisante du développement, ce dossier permet de revenir à des auteurs souvent ostracisés en particulier dans la formation des enseignants, et dont les apports sont incontournables pour poursuivre les recherches en psychologie, mais également pour ouvrir des pistes pédagogiques de première urgence.

Les diverses contributions confirment que les sciences humaines sont bien vivantes, malgré leur marginalisation par l’idéologie dominante. Vivantes autant qu’indispensables, quand leurs grilles d’analyse dérangent l’ordre établi, bousculent la doxa, en mettant la question de l’humain au cœur de leurs réflexions.

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