Carnets rouges n°15 | Janvier 2019

Corps, éducation et société

Sommaire

L’Édito | Patrick Singéry
Si l’on considère que l’éducation a, entre autres objectifs, celui de permettre l’appropriation par tous de savoirs rendant possible une émancipation indissociablement individuelle et collective, alors doit être posée dans toute sa complexité la question de la place du corps, des corps, à l’école, ainsi que celle de ce que cette place dit d’un projet de société.

Le dossier

La technique, l’humain, la société et… la démocratie | Yves-Claude Lequin
Depuis la préhistoire, la technique est au centre de l’existence humaine ainsi que dans la vie sociale, depuis les actes élémentaires (manger, parler, marcher) jusqu’aux pratiques aujourd’hui les plus élaborées (le spatial, la chirurgie, etc.) en passant par toutes les techniques du travail, de la production, des échanges. La technique est toujours essentielle. Et pourtant, dans l’enseignement français, elle est marginale, voire absente, tout comme elle l’est de notre culture française, malencontreusement dite « générale ».      

La laïcité et le corps | Pierre Dharréville
Si, comme l’écrivait Marx, l’homme est le monde de l’homme, si l’essence humaine est l’ensemble des rapports sociaux, alors qu’est le corps d’un humain ? Son corps, c’est son être matériel, sa forme d’existence au monde, sans lequel il n’existe pas, sans lequel il n’est pas d’être humain et pas plus d’humanité. C’est par le corps que l’on sent, que l’on voit, que l’on entend, que l’on goûte, que l’on touche, que l’on ressent, que l’on pense, que l’on agit, que l’on interagit, que l’on éprouve, que l’on peine, que l’on pleure, que l’on jouit, que l’on vit et que l’on meurt.

Les conditions d’une éducation à la santé biologiquement raisonnée | Christian Orange & Denise Orange Ravachol
Ces dernières années ont vu augmenter, dans les programmes français, la place donnée aux « éducations à » : à la citoyenneté, à la santé, au développement durable, aux risques, etc. Rien de plus normal que l’Ecole prenne en compte des demandes sociétales : ce qui s’y enseigne contribue aux fondements d’une société et s’y réfère, nécessairement. Cependant, ces « éducations à » transforment à ce point les disciplines scolaires qu’il est nécessaire de les mettre sous surveillance, car elles remettent en cause pour partie leurs finalités. Nous devons notamment nous demander si ces évolutions se font avec l’intention de développer un enseignement émancipateur et non pas uniquement prescriptif.

Promouvoir l’égalité des sexes à l’école… mais laquelle ? | Gaël Pasquier
En juin 2014, suite aux fortes polémiques qui ont marqué l’année scolaire, le ministre de l’Education nationale décide de mettre un terme aux ABCD de l’égalité, un programme « expérimental » visant à proposer des outils aux enseignant·e·s d’école primaire pour favoriser l’égalité filles-garçons et questionner les stéréotypes de sexe. Pour ne pas donner l’impression à l’opinion publique de céder sur un enjeu essentiel pour son électorat, le ministère les remplace en novembre 2014 par un « plan d’action pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école ».

En quoi l’EPS participe à l’éducation citoyenne ? | Benoît Hubert
Dans leur préambule, les programmes d’Education Physique et Sportive fixent comme finalité aux apprentissages de former un citoyen lucide, autonome, physiquement et socialement éduqué, dans le souci du vivre ensemble. Cette finalité reconduite avec quelques variantes de réforme en réforme est perçue comme un allant de soi sans qu’à aucun moment les termes en aient été définis, la vision politique éclairée et le travail didactique et pédagogique réfléchi à cet aune. Ainsi, cette visée serait toujours possible dans une société, une école qui ne viserait pas la démocratisation de la réussite scolaire et l’émancipation de la jeunesse. Quel sens donner à cette finalité ? Quelle définition du citoyen à former pour demain ?

L’EPS engage-t-elle nécessairement à la compétition et la concurrence ? | Patrick Lamouroux
En matière d’activités physiques, les avis concernant la place que doit occuper la compétition sont rarement nuancés. Pour ses laudateurs, elle est une source de dépassement, de perfectionnement, de connaissance personnelle. Selon ses détracteurs, elle crée des hiérarchies, sélectionne, inhibe, exacerbe l’agressivité ou nourrit des rapports de domination. La compétition sportive repose sur un modèle duel qui définit, dans le cadre de règles, un rapport gagnant-perdant pour la quête d’un but.

 « Manipuler » ou « manipulés » | Joël Briand
Au moment où le ministère met en avant une méthode appelée imprudemment « méthode de Singapour » avec sa marchandisation associée, au prétexte que les élèves y mènent des activités mathématiques concrètes à partir de matériel attrayant il convient de revenir sur le rôle et la place de la manipulation et de l’expérience1 dans l’activité mathématique. Ce point est en effet mis en avant par les promoteurs de la « méthode ». L’enfant manipulerait, il schématiserait et enfin il passerait à l’abstraction. Cette sacralisation du bricolage2  et l’illusion du schéma qui serait un langage spontané doit nous interpeler.

Vouloir raisonner l’inclusion scolaire des élèves handicapés | Paul Devin
Une conception dogmatique de l’inclusion scolaire des élèves handicapés se heurte aux difficultés majeures de sa mise en œuvre. Enseignants et élèves se retrouvent parfois au cœur de situations complexes, fortement éprouvantes, sans que puissent apparaitre avec certitude leurs vertus éducatives pour l’enfant inclus.

Entretien avec Georges Vigarello
Georges Vigarello est professeur d’histoire, directeur d’études à l’EHESS. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le dernier, La Robe. Une histoire culturelle – Du Moyen Âge à aujourd’hui, est paru au Seuil en 2017.

Santé, sexualité, une stratégie pédagogique pour échapper à la normalisation | Yves Peuziat
Pour qui l’émancipation individuelle et collective, au profit d’une société du partage et du commun, est l’objectif de l’école, émanciper vs normaliser est un des dilemmes majeurs des pratiques d’enseignement. La discipline « sciences de la vie et de la Terre », dans les apprentissages qu’elle met en œuvre, n’y échappe pas. Tel est le cas, tout particulièrement, de la transmission des savoirs à fortes portées anthropologiques relevant de son champ disciplinaire. Il en est ainsi des savoirs liés à la sexualité ou à la santé.

L’entretien

Entretien avec Bruno Blanche
Conseiller pédagogique en arts plastiques

Propositions de lecture

Payer pour réussir | Erwan Lehoux
Note de lecture proposée par Christine Passerieux

Pourquoi joindre l’inutile au désagréable ? | Évelyne Berchtold-Rognon
Note de lecture proposée par Christine Passerieux

La combe aux loups | Lauren Wolk
Lecture jeunesse proposée par Françoise Chardin

L’île aux mensonges | France Hardinge
Lecture jeunesse proposée par Françoise Chardin