Numéro 13,  Propositions de lecture

Blanquer : un libéralisme autoritaire contre l’éducation

Blanquer : un libéralisme
autoritaire contre l’éducation

Coord. Axel Trani, Editions Syllepse, Notes de la Fondation Copernic, 2018.

Note de lecture proposée par Christine Passerieux

Cette note de la Fondation Copernic est publiée après quelques mois d’une nouvelle gouvernance de l’institution scolaire. L’ouvrage est assez court mais parvient à faire un tour synthétique des enjeux politiques actuels en matière d’éducation en mettant en lumière les différentes facettes d’une politique ministérielle particulièrement réactionnaire et autoritaire. C’est en cela un outil politique, aussi efficace qu’indispensable, dont le titre résume parfaitement le projet. En ces périodes de réformes qui ne disent pas leur nom et qui à coup d’annonces quotidiennes détricotent au pas à pas ce qui reste de l’école publique, l’ouvrage collectif vient à point nommé pour déconstruire une image un peu trop lisse pour être honnête du ministre de l’éducation. Blanquer en effet surfe sur une opinion publique peu hostile, voire rassurée face à un système scolaire particulièrement ségrégatif, par des mesures qui se réclament du « bon sens. Ses interventions illustrent parfaitement cette stratégie d’enfumage de la réalité de sa politique. Les médias relaient à l’envi l’image d’un ministre pragmatique, soucieux de rigueur scientifique tout autant qu’hostile à toute forme d’idéologie, préoccupé de la réussite de tous…

Axel Trani démonte l’image idyllique et retrace les hauts faits d’armes de ce ministre (suppression de 80000 postes sous Sarkozy, liquidation de la formation des enseignants, évaluations remises en cause par l’institution elle-même…) qui a entretenu les meilleures relations avec l’institut Montaigne (dans le cadre duquel il rédige son dernier ouvrage, « L’école de demain  »), a été membre du comité directeur de l’Association Agir pour l’école… organismes qui ont entre autres financé C. Alvarez dont l’imposture est désormais dévoilée. Et pour ceux qui en douteraient encore Blanquer est un pur libéral.

Irène Pereira s’intéresse à la lutte contre les discriminations à l’école, sous toutes leurs formes, et qui malgré des discours qui se veulent rassurants sont totalement absentes des préconisations ministérielles, voire même seront aggravées par les mesures prises.

Paul Devin, membre du comité de rédaction de Carnets Rouges alerte sur une politique où des années de recherche scientifique (lecture, maths…), sont remises en cause par des injonctions, qui hors circuit institutionnel, contredisent les programmes et fragilisent l’activité professionnelle, et qui remet en cause la professionnalité enseignante. C’est désormais l’opinion du ministre qui prime. Les articles sur le lycée (parcours individuels au lycée et disparités territoriales qui les accompagnent, limitation de l’accès à l’université… par Terrai et Poullaouec), l’enseignement professionnel (assujettissement de l’enseignement professionnel au patronat par Boursier et Gelot) montrent la cohérence d’un système qui fait le choix de l’institutionnalisation de l’inégalité au nom des différents talents, revendiqués par Blanquer. Bertrand Geay et Samy Johsua dénoncent la place hégémonique des neurosciences alors qu’il est désormais acquis que seule est pertinente la confrontation de différents champs de la recherche et que par ailleurs les sciences n’ont pas pour vocation de prôner de « bonnes pratiques  ». L’ouvrage se termine avec la fabrication des programmes scolaires, relatée par Laurence de Cock, qui s’inquiète des orientations possibles données à l’histoire par un ministre très marqué idéologiquement.

Le monde nouveau, en éducation comme ailleurs, promis par Blanquer et par Macron relève très évidemment d’un monde ancien conservateur, réactionnaire et de plus en plus autoritaire. Cet ouvrage nécessairement incomplet est à lire, diffuser pour empêcher la casse complète du service public d’éducation.